Atteignant une trentaine de centimètres, le Fungia est un corail scléractiniaire constitué d’un seul et volumineux polype, et d’un squelette formant un ensemble de crêtes rayonnantes, rappelant les lamelles d’un champignon.
Solitaire et non colonial, il ne participe pas à l’édification des récifs coralliens. Sa face inférieure est concave et seuls les bords de son pourtour reposent sur le fond. Les tentacules en bordure peuvent, en s’allongeant, venir toucher le sable et hausser toute la masse squelettique. Le corail peut ainsi effectuer de petits déplacements, et même changer son inclinaison afin d’éliminer les particules qui le recouvrent ! On les trouve, comme en Nouvelle-Calédonie, posés sur le sable de certaines zones du lagon, vers 30-40 m de profondeur, là où les fonds sont envasés et les eaux chargées en sédiments.
En plongée, on observe parfois qu’ils émettent une très faible lueur. Si on les place dans un aquarium et qu’on les éclaire avec des rayons ultraviolets, ils produisent une intense fluorescence verte ! La biofluorescence résulte de l’absorption de la lumière bleue, dominante dans l’océan peu profond, et de sa rémission à des longueurs d’onde plus longues et à faible énergie, induisant visuellement une fluorescence verte, parfois orangée ou rouge. Ces coraux-champignons ont ainsi la capacité de transformer en lumière colorée la bande ultraviolette du spectre solaire qui pénètre en profondeur dans leur habitat peu éclairé. Elle permettrait à leurs zooxanthelles symbiotiques de profiter d’une lumière accrue, favorable à l’optimisation de leur photosynthèse. Ce phénomène de biofluorescence est bien connu chez les méduses. Quand elle est dérangée ,la méduse Aequorea victoria produit une fluorescence verte depuis des photophores répartis sur le pourtour de son ombrelle. Ce phénomène est dû à une protéine fluorescente verte (ou GFP), elle-même activée par une autre protéine, l’aéquorine, qui produit une bioluminescence bleue. Cette lumière bleue bioluminescente est absorbée par la protéine fluorescente qui, à son tour, émet la lumière verte. Le rendement lumineux des tissus de la méduse provient ainsi de la combinaison des deux processus. Des protéines fluorescentes de type GFP ont également été trouvées chez des anémones, hydroïdes, pennatules, etc. Certaines espèces de coraux produisent en très grandes quantités ces protéines fluorescentes, qui constituent jusqu’à 14 % de leur masse corporelle. Cette protéine GFP s’est révélée être l’un des outils les plus révolutionnaires dans le domaine des sciences médicales, comme marqueur moléculaire. La biofluorescence a également été observée chez plus de 200 espèces de poissons, appartenant à une quinzaine d’ordres et une cinquantaine de familles : hippocampes, poissons-scorpion, poissons-lézard, requins, raies, etc. De grandes différences de motifs et de couleurs de fluorescence apparaissent chez des espèces étroitement apparentées et se ressemblant beaucoup. Le requin holbiche (Cephaloscyllium ventriosum) possède les pigments visuels pour distinguer le bleu et le vert, probablement 100 fois mieux que nous dans l’obscurité, mais il ne voit que ces deux couleurs. Ces requins absorbent le bleu de leur environnement et, par fluorescence, produisent du vert, créant ainsi des motifs contrastés qu’eux seuls peuvent percevoir. Ceci laisse supposer que leur biofluorescence intervient dans la communication intraspécifique et aide au camouflage. Mâles et femelles présentent aussi des motifs différents, une capacité qui, pour certaines espèces, pourrait être profitable lors des rituels d’accouplement, en particulier à la pleine lune. Même des tortues imbriquées, observées aux îles Salomon, se sont révélées biofluorescentes, montrant que bien des secrets du monde sous-marin restent décidément à découvrir !
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