Le marquage sonore du territoire
Certaines espèces émettent des cris pour revendiquer la possession d’un territoire. Les loups vivent en meute, qui n’a pas de taille fixe, mais dépasse rarement une trentaine d’individus, sur un territoire suffisamment vaste pour nourrir ses membres, de l’ordre de plusieurs centaines de kilomètres carrés. Ils en marquent les limites avec leur urine, leurs crottes, des grattages au sol ou sur les troncs. Mais sur des espaces aussi vastes, ces bornes sont distantes et ne peuvent être rafraîchies rapidement. Aussi utilisent-ils pour se signaler aux meutes voisines des hurlements qui portent loin.
Les sons s’évanouissant très vite, contrairement aux odeurs, ces cris doivent être répétés régulièrement pour conserver leur efficacité. Les singes hurleurs (Alouatta ssp.) de la forêt amazonienne vivent en groupes familiaux conduits par un mâle dominant. À l’aube et au crépuscule, plus rarement dans la journée, se déroulent alors de bruyants concerts de hurlements tonitruants, très impressionnants, s’entendant de très loin. Les singes hurleurs montrent ainsi leur force et délimitent leur territoire par rapport aux groupes voisins.
Chanter plutôt que se battre
Les espèces territoriales de passereaux utilisent leurs chants pour régler les conflits de frontières. Deux chanteurs, parfois plus, peuvent s’affronter pour définir les limites d’un territoire, ou pour la possession du territoire lui‑même. Le concert assourdissant qui retentit au petit matin au printemps, au début de la saison de reproduction, témoigne de l’entrain de nombreux passereaux chanteurs dans cette compétition exacerbée.
En général, la structure du chant est innée, mais les jeunes oiseaux apprennent les moindres variations de leur répertoire spécifique en écoutant les adultes, et s’exercent à la production de notes complexes avant de fixer leurs chants au début de l’âge adulte. Ce sont surtout les mâles qui chantent pour s’approprier un territoire et attirer les femelles, mais celles‑ci ont également besoin d’une période d’apprentissage pour reconnaître les chants de leur espèce. Les chants transmettent de nombreuses informations aux congénères. Les mâles rivaux en tirent des informations sur la capacité de combat et l’expérience du chanteur.
Le chant est plutôt un duo qu’un concert solo. Les séquences chantées sont relativement courtes, séparées par des intervalles de silence pour écouter les réponses des voisins. La durée des chants, leur force, l’endroit où se tiennent les chanteurs permettent à chacun d’évaluer la motivation de l’autre, et de négocier ainsi l’emplacement des frontières. Plus un chant est long, plus il est répété rapidement, plus il est fort, plus la motivation du chanteur est importante. Le voisin peut alors lâcher prise et admettre ainsi tacitement que cette zone fait partie du territoire du chanteur. Inversement, un chant plus court, plus faible, répété moins souvent face à un voisin plus bruyant, équivaut à lui reconnaître la primauté.
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