Les messages émis par ou pour les plantes sont souvent chimiques ou visuels. Nous n'en avions qu'une conscience superficielle : car si nous captons parfois une odeur à la volée, ou faisons une pause émerveillée devant les couleurs d'une fleur, nous baignons en permanence dans un incroyable réseau d'échanges sans nous en apercevoir ! Cet ouvrage nous invite à élargir notre perception pour apprendre à décrypter le langage caché des plantes.
Quelques précisions de vocabulaire s’imposent. Le « langage des plantes » est le support de la communication qu’elles entretiennent avec leur environnement (et avec elles-mêmes). Qu’est-ce que la communication pour une plante ? De manière générique, on parle de communication quand un émetteur produit un message perçu par un récepteur, le récepteur modifiant son activité en fonction de l’information qu’il reçoit.Effectivement,les plantes échangent des messages avec d’autres plantes et avec d’autres organismes vivants comme les animaux ou les bactéries, et souvent en transmettent d’une partie d’elles-mêmes à une autre. Mais s’agit-il réellement de langages partagés avec les habitants de l’écosystème, ou faut-il plutôt considérer qu’il s’agit de sensibilités fines aux propriétés de l’environnement, « d’écoutes clandestines » ?
Un langage existe incontestablement lorsque l’émetteur et le récepteur partagent les mêmes codes d’abstraction qu’ils exploitent avec l’intention d’interagir. Même pour des spécialistes du comportement animal,démontrer une intention de façon objective est extrêmement difficile, voire impossible, chez la plupart des espèces. Chez les plantes, c’est complètement inenvisageable.Coupons court à un fantasme séduisant, très prégnant dans l’imaginaire de certains : les plantes n’ont pas d’intention, ni de conscience que l’on puisse objectivement mettre en évidence. Il faut résister à la tentation anthropomorphique ; ces facultés ne sont pas indispensables aux plantes pour communiquer. Évitant toute spéculation, les botanistes cherchent généralement des preuves que l’émission ou la réception d’un signal par une plante lui confère un avantage pour sa survie. Dans un tel cas de figure, le hasard et la sélection naturelle remplacent l’intention pour établir une relation fonctionnelle entre partenaires autour de l’échange d’un message.La relation entre émetteur et récepteur s’établit sur le temps long, celui de l’évolution, et produit des effets à la fois immédiats et de long terme.
Une particularité essentielle distingue les plantes des animaux : elles sont constituées de modules redondants et semi-autonomes, chacun capable de remplir la plupart des fonctions vitales. En matière de communication, cette architecture entraîne plusieurs conséquences. Tout d’abord, chacune des nombreuses feuilles d’une plante est en mesure de percevoir la lumière, de se défendre contre les agressions et de réguler sa transpiration. De ce fait, les plantes disposent de multiples copies des structures émettrices et réceptrices utiles à leur communication. C’est pourquoi la communication des plantes est parfois moins ciblée dans le temps et l’espace que celle qui s’entretient entre animaux. Les plantes tolèrent aussi plus facilement la perte d’une partie de leur structure que les animaux, qui s’en trouveraient handicapés. Cette tolérance leur permet de mettre en place des stratégies de communication fondées sur le sacrifice de cellules ou d’organes entiers, et autorise parfois les plantes à être plus sélectives que les animaux vis-à-vis des informations auxquelles elles répondent. Enfin, pour le bon fonctionnement de l’organisme végétal, l’architecture modulaire nécessite de maintenir une communication multidirectionnelle entre chaque organe ; chaque racine, feuille ou fleur peut être tour à tour émettrice ou réceptrice.