L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le CNRS et INRAE ont établi pour chaque grande culture les besoins en eau par hectare et par kilogramme de production. Ainsi, la canne à sucre a besoin en moyenne de 1 250 mm d’eau par an (ou cycle de production), la banane de 1 200 mm, le coton de 750 mm, la betterave à sucre de 650 mm, le soja de 640 mm, le maïs de 575 mm, le blé de 550 mm, la pomme de terre de 490 mm… Quant à la vigne, ses besoins sont de 450 mm, ce qui correspond à une situation de transpiration quasi maximale, 250 mm pouvant suffire dans des cas de contrainte hydrique modérée. Sur les mêmes exemples, ces données ont permis d’évaluer la quantité d’eau nécessaire pour assurer les productions agricoles correspondantes. Pour la vigne, ce sont 250 litres qui sont nécessaires pour produire 1 kg de raisin (ou 0,7 litre de vin), dans le cadre d’un rendement relativement élevé. La vigne, plante pérenne avec des racines allant en profondeur dans le sol, est donc économe en eau et se trouve parmi les cultures à plus faibles besoins en eau. Mais l’évolution climatique impacte malgré tout la qualité des raisins puis des vins en termes de composition et de perception organoleptique, d’autant que la réussite qualitative des vins repose en premier sur l’obtention d’un niveau optimal de contrainte hydrique au vignoble.
Exemples concrets : la station météorologique du domaine INRAE Pech Rouge (Gruissan, Aude), réseau Agroclim, située en bordure du littoral méditerranéen, a pu quantifier cette évolution à partir de ses relevés météorologiques. Les suivis jusqu’à l’an 2000 sur la période végétative de la vigne montraient un équilibre global entre pluie et évaporation naturelle d’été. Mais 2023 est la 23e année consécutive générant au vignoble un stress hydrique fort à assez fort, et assez continu. L'indice de sécheresse (IS) est toujours négatif depuis l’année 2000. Les cinq dernières années sont d’ailleurs les années les plus sèches depuis que ces relevés sont effectués sur ce site. Les pluies d’hiver (octobre à mars) diminuent aussi et ne permettent pas de compenser ce manque d’eau global qui s’accentue.
La conséquence sur la teneur en sucre du raisin est nette. Le degré moyen des vins élaborés sur l’ensemble de la même aire géographique a progressé de 2,8 % vol. en 30 ans, soit près d’un degré d’alcool par décennie, tandis que l’acidité a diminué significativement. Toutefois, tout n’est pas à relier à l’évolution climatique, l’évolution de l’encépagement, la récolte de raisin à maturité plus avancées ont accentué ces évolutions.
En 2015, une année avec plusieurs périodes de forte chaleur en France, au moins 1 770 caves ont eu recours à l’acidification, contre 1 045 en 2014 et 956 en 2013 (mais aussi 1 298 en 2012, autre année très chaude). Dans les nouveaux pays viticoles, ces pratiques sont quasiment systématiques.
Et comme le vin ne se réduit pas à son degré d’acidité et à son taux d’alcool, les milliers de molécules différentes qui composent le raisin seront aussi modifiées lors de la maturation, en particulier la composition en composés d’arômes et polyphénols. Et le goût du vin sera changé. INRAE par exemple a mis en place en 2013 un programme de recherche pluridisciplinaire (nommé Laccave) pour étudier, du gène au vignoble et à la cave, les scénarios et adaptations possibles.
L’irrigation est un levier déterminant quand la vigne, en situation de stress hydrique fort, a soif. Se pose alors souvent la difficulté de l’accès à la ressource en eau. En Californie, Australie, dans le Midi méditerranéen, une réponse viendra à court terme de l’irrigation goutte à goutte à partir d’eau traitée des stations d’épuration urbaine (par filtration, traitement UV et chloration). Le facteur humain restera cependant prépondérant, ce que les modèles n’intègrent pas assez à l’échelle locale et des terroirs. Le vigneron peut réorganiser ses plantations, ses modes de conduite de la vigne et faire évoluer son encépagement.
Pour éviter que le raisin ne s’oxyde dès qu’il est récolté, dès lors qu’il y a du jus au contact de l’air, avec la chaleur comme facteur aggravant, les vendanges de nuit ne suffisent souvent plus. Il faudra refroidir tout de suite la vendange. Déjà la glace carbonique ou des granulés à – 87 °C sont utilisés dans certaines caves pour être introduits dans la vendange. Les granulés réchauffés par la vendange passent de la forme solide à la forme gazeuse (CO2), ralentissant ainsi les phénomènes d’oxydation.