Conséquence de leurs très nombreuses interactions avec d’autres êtres vivants, les insectes sociaux exercent souvent un impact non négligeable sur les écosystèmes auxquels ils appartiennent. La pression de prédation intense qu’opèrent des fourmis légionnaires en mouvement sur la faune des arthropodes qu’elles rencontrent (autres insectes sociaux compris) en donne une bonne illustration.

Certaines espèces de fourmis et de termites aux sociétés à fort effectif et dont la densité de nids à l’hectare est élevée peuvent aussi avoir, indirectement, un impact considérable sur des micro organismes, des végétaux et d’autres animaux. De telles espèces sont qualifiées d’« ingénieurs de l’écosystème ». Par exemple, la construction de galeries et de loges par des fourmis et des termites terricoles impliquent des déplacements et des remaniements de matière organique et minérale. Cela modifie, sur des échelles temporelles supérieures à la durée de vie de ces colonies, les propriétés physiques (composition, aération, etc.), biochimiques et hydrologiques des sols.

Ces insectes contribuent notamment à concentrer, au niveau de leurs nids, des composés riches en azote et en phosphore, éléments chimiques essentiels à la vie et relativement rares et dispersés, dans certains environnements. Cette redistribution a majoritairement pour origine l’approvisionnement alimentaire et en matériaux de construction, dont les effets se pérennisent : des débris non consommés, des excréments, des cadavres et, chez les termites, des secrétions salivaires s’accumulent dans le nid et à proximité.

Les conséquences de ces changements de caractéristiques des sols ont surtout été étudiées chez les termites, et en particulier chez les espèces aux nids géants des savanes africaines. L’enrichissement local en éléments organiques et minéraux crée de véritables « îles de fertilité » aux abords des termitières : les parties abandonnées des nids et leurs environs immédiats correspondent à des sols plus riches en micro-organismes, sur lesquels croît une végétation plus abondante et souvent plus diverse. Ces zones favorables à la végétation vont attirer de nombreux herbivores, y compris des mammifères de grande taille tels que les éléphants ou les girafes. Ces hot spots de biodiversité ont donc plus de chances d’être fertilisés par les excréments de cette mégafaune. Un cycle vertueux s’instaure dès lors, qui fait persister ces îles de fertilité sur des décennies. Sur le plus long terme et à l’échelle du paysage, une véritable dynamique se met en place, au gré de la vie et de la mort des termitières géantes ; elle se traduit par une mosaïque de zones plus ou moins fertiles en perpétuelle évolution.