Pêcheurs et badauds se retrouvent, le dimanche, sur la berge opposée au chemin de halagedu canal Charenton-Saint-Maurice, 1909

Avant la Révolution, le droit de pêche en France est attribué par l’État pour les fleuves et rivières navigables et par les «Ecclesiastiques, Seigneurs, Gentils-hommes et Communautez » pour les autres cours d’eau et étangs. Aussi la pêche n’est-elle pratiquée que par les « Maistres Pescheurs » dont le statut est défini par les Ordonnances de Louis XIV. Ils doivent respecter les 26 articles dont le quatrième : « Défendons à tous Pescheurs de pescher aux jours de Dimanche et de Feste. et pour cet effet, leur enjoignons expressément d’apporter tous les Samedis et veilles de Feste, incontinant après Soleil couché, au logis du Maistre de Communauté, tous les engins et harnois, lesquels ne leur seront rendus que le lendemain du Dimanche ou Feste, après Soleil levé.»

Après l’abolition des privilèges, la pêche à la ligne, devenue très populaire se pratique au contraire les dimanches et jours fériés. Cet engouement engendre, dès le début XIXe siècle, une nouvelle profession : celle de professeur de pêche à la ligne.

Les traités sur la pêche à la ligne, évoqués précédemment, témoignent de l’ingéniosité des pêcheurs. Ils décrivent les instruments mais aussi les esches qu’il faut employer pour chaque espèce de poissons, tout en tenant compte des aspects changeants des rivières. Celles-ci sont aujourd’hui qualifiées de première catégorie et de deuxième catégorie. Ces appellations concernent respectivement les rivières dont les eaux rapides sont très oxygénées et celles dont le cours est lent. Les premières sont peuplées de salmonidés dont la truite, les secondes, ainsi que les étangs et canaux, sont peuplés de poissons qualifiés de blancs et de carnassiers comme le brochet et la perche.

Le flet ou la plie

Les flets ont une robe tachetée d’orange que les Romains nommaient Passer fluviatilis (le carrelet de rivière). Dame Juliana préconise d’utiliser un hameçon reposant sur le fond et garni d’un ver de terre pour pêcher le flounder, un noble et sain poisson. La défense du flet est caractéristique : dès qu’il se sent prisonnier de l’hameçon, il profite de sa forme aplatie pour imprimer dans tous les sens des secousses à la ligne. Les hommes préhistoriques ont peut-être voulu représenter le flet : deux poissons plats, ayant les yeux sur la même face, sont sculptés au Mas d’Azil, situé près de la rivière Arize, un affluent de la Garonne.

 

La vandoise

Comme l’indique Maître Rondelet, la vandoise a un corps plus allongé que celui du gardon. Elle ressemble davantage au chevesne. Elle se déplace très rapidement. Est-ce pour cette raison que les pêcheurs l’appelent « dard » ? Alors que plusieurs poissons de rivière figurent dans des armoiries, la vandoise n’est jamais mentionnée en héraldique. Symboliserait-elle la fuite ?

Pour pêcher la vandoise, Dame Juliana Berners recommande la mouche de maison en juillet alors que l’eau est très claire et que le gardon ne mord pas. Le personnage Piscator, dans l’ouvrage anonyme The Arte of Anglingexplique à Viator comment pêcher la vandoise. Après avoir recommandé deux méthodes — soit pêcher à la mouche de maison en surface, de juin à septembre, soit pêcher en pleine eau — il décrit l’action de pêche : « Vous devez avoir une longue ligne, votre oeil étant très bon et la main prête tenant une longue canne en noisetier ou autre canne bien droite car le roseau n’est pas bon, vous devez avoir deux ou trois crins car doivent être considérés votre coup [la façon de ferrer] et l’attaque rapide du poisson et si vous êtes en présence de grosses vandoises (comme j’en ai vu aussi grosses que des harengs frais chargés d’oeufs) alors il vous faudra trouver trois crins ; ils ont besoin d’être bons, bien tressés et sans écorchures. »

 

La perche

Lacépède évoque la beauté de la perche : « La perche attire les regards par la nature et par la disposition de ses couleurs, surtout lorsqu’elle vit au milieu d’une onde pure. Elle brille d’une couleur d’or mêlée de jaune et de vert, que rendent plus agréable à voir, et le rouge répandu sur toutes les nageoires, excepté sur celle du dos, et des bandes transversales larges et noirâtres. Ces bandes sont inégales en longueur, ordinairement au nombre de six ; et ressemblant le plus souvent à des reflets qui ne paraissent que sous certains aspects, plutôt qu’à des couleurs fortement prononcées, elles se fondent d’une manière très douce dans le vert doré du dos et des côtés de l’animal. » Cette description des parures de la perche d’eau douce fait penser à celles de certains poissons des mers lointaines que des aquarellistes ont représentés, dès leur sortie de l’eau, pour immortaliser leur magnificence. Rondelet vante les mérites de la chair de ce poisson qu’il recommande aux blessés, aux fiévreux et aux femmes enceintes. 

Une pêche particulière est réservée à la perche : la « dandinette ». Ce mode de pêche, surtout pratiqué en hiver, consiste à laisser descendre jusqu’au fond un plomb muni d’un hameçon puis à le remonter lentement. L’opération étant renouvelée plusieurs fois. La vorace et impulsive perche est attirée par les reflets et les mouvements de ce leurre rudimentaire.