La plage d’activité normale du Crotale cornu (Crotalus cerastes) oscille entre 13,6 °C et 40,8 °C, avec une température préférée de 25,8 °C. - © Françoise Serre Collet

Tous les serpents, et par conséquent tous les vipéridés, sont des animaux à température variable, c’est-à-dire que toutes leurs fonctions physiologiques (reproduction, croissance, digestion) et écologiques (déplacements) dépendent de la température extérieure. Ce sont des animaux dits « ectothermes » (du grec ectos, « dehors », et thermos, « chaleur »), qui ne produisent pas leur chaleur interne : elle dépend de la température extérieure. Ils sont également poïkilothermes (du grec poikilos, « variable », et thermos, « chaleur »), car cette température varie en fonction de leur environnement (fluctuations saisonnières, journalières, circadiennes, selon le substrat, etc.). Ils doivent donc trouver une source de chaleur pour survivre, et thermoréguler pour maintenir une température compatible avec leurs besoins vitaux.

Pour atteindre son optimum thermique, l’animal s’expose au soleil (héliothermie) ou se glisse sous des objets placés au soleil pour se chauffer par conduction (thigmothermie). Chaque espèce a ses propres optimums thermiques et ses seuils de températures létales maximales et minimales. En général, le minimum létal oscille entre − 7 °C et − 2 °C et le maximum létal entre + 42 °C et + 45 °C.

Les vipéridés qui vivent dans les pays tempérés hibernent. Juste avant l’hiver, ils cessent de manger et se réfugient dans un endroit appelé « hibernaculum ». Ce lieu doit être hors gel (terrier, profonde anfractuosité, grotte ou souche creuse), hors prédateurs et hors inondations. L’hibernation dépend du climat et de l’espèce : elle peut durer jusqu’à huit mois pour les animaux vivant dans le Grand Nord, voire en haute montagne, et juste deux ou trois mois pour les espèces subtropicales. Ces vipéridés peuvent hiberner isolés ou en groupe, y compris avec d’autres d’espèces. Ainsi, dans les zones septentrionales américaines, on peut trouver jusqu’à une centaine d’individus de Crotale des bois (Crotalus horridus) partageant le même lieu avec d’autres espèces, comme le Mocassin à tête cuivrée (Agkistrodon contortrix).

Dans les régions tropicales, les serpents n’hibernent pas, car il ne fait jamais froid. Mais s’il fait trop chaud, ils recherchent la fraîcheur des terriers ou d’autres lieux en profondeur ; on parle alors d’estivation. Et ils sont plus actifs à la saison des pluies qu’en pleine saison chaude, où la nourriture est moins abondante.

Vous l’aurez compris, pour voir des serpents, il faut absolument connaître les températures que l’espèce recherchée supporte. Il est donc en général inutile d’organiser une sortie d’observation au plus profond de l’hiver par des températures négatives, et en plein été lorsque les températures dépassent 40 °C !

Autour de 8 °C, une Vipère péliade quittera son abri hivernal pour s’exposer au soleil, puis, durant la saison, sera active à des températures minimales de 10-12 °C allant jusqu’à 14-16 °C en été. Si vous cherchez à voir cette espèce, gardez en tête qu’elle se réchauffe très vite au soleil, donc que sa fenêtre thermique d’exposition est très courte. En montagne, il n’est pas rare de trouver des vipères en héliothermie à côté des névés.

Chez le Crotale de Mitchell (Crotalus mitchellii), la plage d’activité varie de 29 °C en novembre à 32,4 °C en août, avec une température optimale de 31,2 °C. Certaines espèces se sont adaptées pour survivre dans un milieu difficile, où la chaleur intense et le manque d’eau sont des défis à surmonter. Ces animaux gèrent leur température corporelle de façon à la fois comportementale — crépusculaires et nocturnes, ils se cachent la journée, évitent les combats (perte d’énergie) et chassent à l’affût — et physiologique, grâce à un métabolisme très bas (ils ont moins besoin de boire et de manger que les mammifères), à une excrétion d’acide urique partiellement solide, ce qui leur permet d’économiser l’eau, et à une coloration corporelle claire, absorbant peu la chaleur.