Tout amateur de vin associera spontanément le mot de « cépage » aux noms de Pinot noir, Chardonnay, Cabernet-Sauvignon… Pourtant, paradoxalement, il est difficile de trouver une définition consensuelle à ce terme « cépage ».
Étymologiquement, « cépage » est composé de « cep », du latin cippus, le tronc, et du suffixe « age » qui désigne une « collection des choses qui en font partie ». Ainsi « cépage » fait référence à une collection de ceps. Les ceps sont des individus obtenus par la multiplication végétative de clones appartenant au cépage. « Cépage » est ainsi un terme empirique utilisé par les viticulteurs pour appeler par un même nom des clones présentant des caractéristiques très proches, en particulier produisant des raisins de même couleur, dans l’objectif d’obtenir un vin spécifique. Le terme « variété » qui, pour la vigne, recouvre la même réalité, est préféré du généticien et du sélectionneur, surtout pour nommer des obtentions récentes. « Cépage » est propre aux variétés à raisins de cuve, alors que l’on parle de variété à raisins de table ou à raisins secs et de variété de porte-greffes de vigne.
Le Catalogue international des variétés de Vitis recense 21 045 noms de variétés, parmi lesquelles 12 250 cépages de Vitis vinifera. Les variétés de vigne peuvent être identifiées par des descripteurs ampélographiques (du grec Ampelos qui signifie vigne) ou par leur ADN. Les descripteurs ampélographiques sont basés sur différents caractères observés chez la vigne comme la forme et la couleur des rameaux, des feuilles, des baies, la fermeté de la pulpe, le niveau de résistance aux pathogènes… Ces descripteurs sont soit quantitatifs quand la variation du caractère est continue, comme le niveau de résistance, soit qualitatifs pour les caractères discontinus, comme la couleur de l’épiderme. Ils sont codifiés par l’Office international de la vigne et du vin (OIV) pour permettre une description standardisée.
Depuis une trentaine d’années, des marqueurs moléculaires ont été dévelop¬pés pour identifier les variétés de vigne. Basés sur la séquence de l’ADN, ils sont très discriminants et leur utilisation a réservé des surprises. Ainsi il a été montré que le Zinfandel, cultivé aux États-Unis, est le cépage Primitivo, cultivé en Italie, qui lui-même est identique au Kratošija, un vieux cépage du Monténégro. En voyageant, les cépages changent ainsi de noms ! Compte tenu des synonymies, il n’y aurait qu’environ 6 000 cépages génétiquement différents les uns des autres parmi les 12 250 répertoriés dans le monde.
Lorsqu’un individu présente une variation spontanée remarquable qui le différencie du type de référence du cépage, comme une variation de couleur ou un arôme particulier, le clone issu de la multiplication végétative de cet individu fonde un nouveau cépage. Certains cépages partagent le même nom, précisé par la couleur des baies comme le Grenache noir et le Grenache blanc, d’autres par des considérations morphologiques comme le Pinot meunier qui diffère du Pinot noir par ses feuilles dont la face inférieure semble poudrée de farine. D’autres cépages portent des noms différents, comme le Savagnin, aux baies blanches non aromatiques et cultivé dans le Jura, et le Gewurztraminer, aux baies roses aromatiques et cultivé en Alsace, alors qu’ils sont tous deux issus du même cépage Traminer.
Dès la période romaine, les cépages sont clairement nommés, mais c’est au Moyen Âge que les premiers noms de cépage, encore cultivés aujourd’hui, apparaissent en Europe. Le Pinot doit son nom à sa grappe en forme de pomme de pin, le Chardonnay à un village bourguignon, le Gewurztraminer à son arôme épicé (würzen en allemand). Nommer aujourd’hui une nouvelle variété n’est pas chose facile. Un nom de cépage est aussi un nom de marque qui accompagne la vigne et son vin, jusque sur l’étiquette de la bouteille !
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