Pour une science sociale à travers champs

Au cours des années soixante et soixante-dix, se met en place l’agriculture « moderne » qui va faire de la France un des tous premiers pays exportateurs de produits agricoles au monde. Cette révolution technique et économique assujettit de plus en plus l’agriculture aux contraintes et aux contradictions du mode de production capitaliste. De ce fait, elle va conduire à poser deux questions successives et apparemment sans rapport l’une avec l’autre. Tout d’abord, une rude bataille s’engage durant ces deux décennies autour du statut de ces travailleurs de la terre que sont les exploitants familiaux : travailleurs exploités ou entrepreneurs ? La référence à la lutte des classes fait irruption dans les congrès syndicaux et dans les manifestations professionnelles agricoles. Vient ensuite, dans les années quatrevingt, la remise en question du modèle « productiviste » d’agriculture au nom de l’environnement et de la qualité des aliments. Le rapprochement de ces deux questions éclaire sur les mécanismes à l’oeuvre dans les transformations de l’agriculture. Il éclaire aussi sur les métamorphoses de la dichotomie rural-urbain dans la société française contemporaine. Il conduit enfin à s’interroger sur les découpages du champ scientifique : entre disciplines de sciences sociales d’abord ; entre sciences sociales, sciences techniques et sciences de la nature enfin.